2024-03-21 Le Hamas, des résistants ? par Denis Charbit

Comme en témoigne la dernière saillie de Judith Butler, le discours assimilant les terroristes du Hamas à un mouvement de résistance prend une ampleur considérable, jusque dans les milieux intellectuels.

Denis Charbit poursuit sa série consacrée aux mots du conflit : il nettoie le terme de résistance en le dissociant de l’assassinat et de la déshumanisation de civils.

La constitution du Hamas incontestablement s’inscrit dans un mouvement d’opposition, de contestation de l’existence de l’Etat d’Israël, et non pas seulement de l’occupation israélienne, et je dirais que c’est là toute l’ambiguïté de l’emploi de ce terme.

Parce que quand on dit résistance, on suppose donc qu’on s’oppose à une force d’occupation, mais qu’on ne conteste pas l’existence du peuple et de l’État .

Je prends l’exemple, bien sûr classique, de la résistance française à l’Allemagne nazie. Les résistants français ne s’opposaient pas à l’existence de l’Allemagne, ils s’opposaient au fait que l’Allemagne occupait le territoire français.

Et c’est là où l’analogie ne fonctionne pas.

Parce que le mouvement national palestinien est toujours à la croisée des chemins. L’opposition du mouvement national palestinien commence-t-elle avec l’occupation des territoires, ou bien est-elle bien antérieure et bien plus fondamentale, c’est-à-dire à l’existence même de l’État d’Israël ?

Je serais presque tenté de répondre de la manière suivante.

Si l’objectif d’un mouvement national palestinien quelconque, que ce soit le Fatah ou le Hamas, c’est l’occupation israélienne des territoires occupés, alors je le dis en toute clarté et sans aucune ambiguïté, le mouvement national palestinien en question est un mouvement de résistance à l’occupation israélienne.

Seulement, si on voit de près les manifestes qui président à ces organisations palestiniennes, on voit bien que toutes du Fatah au Hamas, initialement, c’est bien la destruction de l’État d’Israël, en quel cas ce n’est plus un mouvement de résistance.

Et donc à cet égard, tout mouvement palestinien initialement, c’est l’opposition au sionisme et la destruction de l’État d’Israël qu’ils poursuivent à ceci près qu’après la guerre des Six Jours dans les années 80 et notamment les années 90, à un moment l’OLP fait le choix stratégique de considérer, en étant à l’écoute de ce qui se passe dans le monde, que la légitimité d’un État palestinien n’est réelle que si elle ne vise plus la destruction de l’État d’Israël, mais si elle vise l’occupation israélienne.

On peut considérer que même le Fatah est dans une sorte d’ambiguïté vis-à-vis de cette question-là, mais il y a une chose qui est claire, c’est que chez le Hamas, il n’y a pas d’ambiguïté.

C’est pas : on est pour l’État d’Israël dans les frontières de 67, et on est seulement contre l’occupation de la Cisjordanie et le blocus imposé à Gaza.

Pas du tout.

Si on voit la charte du Hamas, la charte initiale, on voit bien qu’on est dans une volonté d’éradiquer l’État d’Israël, mais même d’éradiquer les Juifs .

D’extirper les Juifs de l’univers et donc on n’est plus du tout dans une résistance, on est ici dans un mouvement exterminationniste .

Je sais bien, je ne peux pas ne pas le mentionner, qu’il y a une charte qui date de 2017, au terme duquel le Hamas a admis l’idée de deux États .

Mais je dirais que cela apparaît comme une sorte de revers tactique auquel on ne peut pas porter un véritable crédit.

Je n’ai jamais entendu les leaders du Hamas proclamer que leur contentieux avec Israël se borne à l’occupation de la Cisjordanie et au blocus de Gaza.

Et donc il faut prendre énormément de précaution, de prudence, et même, je dirais de scepticisme, la déclaration dite nouvelle du Hamas en 2017, acceptant du bout des lèvres le principe de deux États.

Et donc cet égard, encore une fois, je dirais que oui, il y a un élément de résistance à l’occupation dans le combat palestinien quel qu’il soit, mais ce qui réduit la portée de cette résistance, c’est deux choses.

D’abord, la première, c’est que la finalité reste pour la plupart des mouvements palestiniens, l’élimination de l’État d’Israël, et puis, secondement et ça, il faut jamais l’oublier, la nature des moyens employés.

Car il faut bien faire la distinction dans un combat de résistance entre l’élimination des soldats, des militaires, et l’élimination des civils.

Le 7 octobre 2023, c’est bien la démonstration in vivo de ce que voudrait réaliser le Hamas à l’échelle de l’État d’Israël tout entier, c’est-à-dire l’élimination pure et simple et plus que d’ailleurs l’élimination physique, la profanation, les viols, les sévices, le fait de brûler vif les victimes, tout ça démontre bien, non plus une volonté de résistance, mais une volonté exterminatrice .

Et ceux qui pensent que le Hamas est un mouvement de résistance, je les appelle à nous donner des analogies, à nous montrer des Oradour-sur-Glane que les résistants auraient opéré sur une population civile allemande.

C’est peine perdue.

Il y a bien là une singularité du mouvement national palestinien et je dirais que c’est peut-être la raison pour laquelle les Israéliens sont fort sceptiques sur les intentions palestiniennes.

L’attaque du 7 octobre 2023, le crime de masse du 7 octobre 2023 ne s’est pas contenté de s’opposer aux forces d’occupation militaire, mais de s’en prendre aux civils et pas simplement de les éliminer physiquement, mais de les profaner et d’arriver à une déshumanisation qu’on n’a jamais vue dans toute l’histoire des résistances que l’on connaît au vingtième siècle .